La danse en photo
Avec les objectifs Sigma Art
J'ai découvert le Lindy Hop à Edimbourg en 2010, au cours de mes études. On m'a amené au premier étage d'un pub, où était donné un cours suivi d'un "social". Les gens dansaient sur Ella Fitzgerald et je me suis assis, hypnotisé. Je ne savais pas que l'on dansait encore sur cela, comme cela. Loin des quelques clichés que j'avais sur le swing et les bretelles des années 90, un monde "nouveau" venait de s'ouvrir à moi et je pressentais que cette rencontre serait importante. Huit ans plus tard, ce sont des dizaines de milliers de photos qui témoignent humblement du renouveau d'une danse en pleine évolution, au centre d'une culture si riche et singulière part son histoire, ses valeurs, et l'impact qu'elle a eu sur tant de trajectoires personnelles.
Paris, avril 2015.
Le swing désigne communément l'ensemble des danses vernaculaires autour du jazz des années 20-50, qui ont pour origine diverses danses afro-américaines de la fin du 18ème et début du 19ème siècles, souvent dansées en solo. Le Paris Jazz Roots Festival met ces racines à l'honneur lors d'un évènement alors unique en son genre. C'est aussi le premier festival que j'ai photographié professionnellement, en 2014. Les danseurs sont souvent pluri-artistes: ici les américains Nathan Bugh (au piano) et Evita Arce (au chant) improvisent quelques standards de jazz sous le regard d'élèves ébahis.
Dworp, juin 2015.
Les premiers pas d'un danseur sont souvent timides. Le jazz pousse à l'expression, à l'exubérance et à la dérision. Nombreux sont les compétiteurs d'aujourd'hui qui étaient terrorisés à l'idée d'interagir avec leurs hanches quelques années auparavant. Ici, le français Nicolas Deniau enseigne le Boogie Drop, un de nombreux pas de jazz où le bas du corps est sollicité de manière expressive.
Londres, juin 2014.
L'acquisition du Sigma 35mm 1.4 Art a changé ma manière de photographier la danse. Sa qualité d'image de bord à bord y compris à pleine ouverture m'a poussé à abandonner le flash, encore de mise dans la photographie de danse à l'époque. Quelques jours après cet achat, j'étais au Wilton Music Hall pour le London Swing Festival. Je photographiais les danseurs à 1.4 en jouant avec la faible profondeur de champ lorsque je me suis retourné et j'ai eu cette vue devant moi, celle d'un lieu exceptionnel plein de vie. La photo prise sans changer l'ouverture m'a fait tomber amoureux de cet objectif qui reste mon préféré encore aujourd'hui.
Londres, octobre 2015.
Les festivals sont également l'occasion de se confronter à la compétition, qui suscite de l'émulation et repousse sans cesse les limites de cette "jeune" danse. Sur cette dernière décennie uniquement, le Lindy Hop a connu de profondes évolutions et enrichissements au contact d'autres danses. Ici une lithuanienne qui a commencé avec la danse traditionnelle et un français champion du monde de Boogie Woogie en finale du Jack and Jill (compétition sociale où les partenaires sont associés au hasard sur une musique aléatoire) lors des European Swing Dance Championships.
Budapest, 2014.
Chaque année, un des plus grand festivals européens a lieu à Budapest, sur 3 péniches alignées l'une à côté de l'autre sur le Danube. 1200 personnes se rassemblent pendant 5 jours et 5 nuits, les plus grands musiciens actuels se relayant jusqu'au petit matin en communion avec les danseurs.
La découverte de la danse a pour beaucoup été suivie de la découverte du jazz. D'une musique si profonde et variée et pourtant souvent peu connue en dehors des grands standards. Certains groupes de jazz ont commencé à jouer pour les danseurs, en insistant sur le swing de la musique et les tempos adaptés. Des Big Bands ont été formés, des DJ's de danse se sont professionnalisés et voyagent à travers le monde. Les musiciens de rue de la Nouvelle Orléans (Tuba Skinny, Meschiya Lake) sont désormais régulièrement engagés en Europe. La qualité et variété de musique qui existe actuellement est phénoménale, s'ajoutant à la richesse des répertoires de l'époque, recherchée et propagée avec passion.
Bruxelles, octobre 2015.
"When you are dancing with your partner, for that two and a half minutes, you are in love with each other", enseignait Frankie Manning, la plus grande icône du Lindy Hop, a l'origine du revival il y a une trentaine d'années. Il n'a pas seulement fait renaitre cette danse après que la seconde guerre mondiale puis l'évolution du jazz (bebop, free jazz) l'ait éteinte, il y a associé des valeurs particulières: la joie de partager le jazz et l'expression artistique, peu importe les nationalités, disparités sociales, religieuses ou ethniques; le peu de préoccupation pour les passes ou les comptes dans la mesure, bien moins importants que la connection avec le/la partenaire et l'âme de la musique; la simplicité d'être, la solidarité, l'entraide. Aujourd'hui, chaque weekend, des centaines de danseurs voyagent partout dans le monde pour se rencontrer et danser. Ils s'hébergent, ils s'écoutent, ils créent des liens, de l'Amérique à l'Asie en passant par l'Afrique et le proche orient.
Herrang, août 2014.
Autre héritage de Frankie Manning, Herrang est en quelque sorte la Mecque des danses swing. Ce petit village suédois se transforme pendant 5 semaines chaque été pour accueillir les danseurs du monde entier lors d'une expérience hors du commun, où se mêlent enseignement, musique, partage, créativité, dans un décor idyllique.
L'énergie générée par cette conjugaison des talents est difficile à décrire. Un mélange d'émulation et d'admiration autour d'une passion commune, sans cesse stimulée par les nouvelles générations de danseurs, de musiciens, d'organisateurs d'évènements. Comme ici le Gentse Hoppers Exchange en Belgique, qui est complet en quelques minutes chaque année.
Gand, avril 2015.
Les danses sont aussi variées que la musique sur laquelle elle est dansée. Le Blues est l'une des cousines du Lindy Hop, souvent dansée en fin de festival (ou bien lors de festivals de Blues à proprement parler). Il arrive que le temps se suspende et que les danseurs cessent quasiment de bouger. On parle alors de "micro-blues".
Paris, décembre 2017.
Bien qu'habité d'une forte culture du volontariat, le Swing s'est peu à peu professionnalisé. Les professeurs de danse voyagent à l'international, et utilisent la photographie pour promouvoir leur activité. Lors des shootings, j'associe souvent le 85mm 1.4 Art au 24mm ou 35mm. Le rendu de cette focale est si particulier, il permet de capter le mouvement de manière à la fois intime et cinématique. Son ouverture est évidemment un énorme atout en intérieur (faible luminosité et sujets en mouvement).
La Balboa Castle Camp, organisé dans un chateau légèrement délabré en Allemagne, est le cadre idéal pour la créativité et l'imagination de danseurs qui souhaitent célébrer l'art de manière générale. On y assouvit son goût pour l'élégance, la fête, les costumes, les références culturelles.
Beesenstedt, septembre 2014.
Cet environnement bienveillant et stimulant permet l'abandon, il mène fréquemment à des moments de grace qui se présentent devant nos yeux. L'harmonie graphique vient parfois s'associer à celle des émotions, offrant de jolies compositions.
La série Art a joué un rôle significatif dans ma manière de prendre des photos et le développement de mon style visuel. Merci de m'avoir lu.
Eric Bobrie.